Les Enfants de l'aube by Patrick Poivre d'Arvor

Les Enfants de l'aube by Patrick Poivre d'Arvor

Auteur:Patrick Poivre d'Arvor [Poivre d'Arvor, Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: JC Lattès
Publié: 0100-12-31T23:00:00+00:00


17

C’était un monastère bien curieux, pas très suisse, d’un ocre tirant sur le rouge et de proportions assez modestes. Dans la cour, des poules, des chiens, rien qui rappelât directement la présence de l’Esprit ou d’un esprit. Rien, sinon une cloche, énorme, absurde au milieu de cette cour, posée à même le sol, maculée de fiente. Deux paysannes nous ont regardés d’un air absent avant de chercher du secours. Un vieillard vint vers nous en s’empressant. Nous nous étions adossés à la cloche malodorante et contemplions, exténués, ce personnage d’opérette qui demandait à voir nos langues et semblait affolé par l’état de Camille.

Il nous offrit quelques gorgées de génépi. J’étais un peu exalté :

« Maintenant, tu es mon Yseult, dis-je à Camille avec exaltation, nous avons bu le philtre d’amour. Le roi Marc est cocu et je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle. »

Rayonnante bien qu’épuisée, Camille avait posé son front sur mes cuisses. Le vieillard m’a adressé un infime regard de connivence. J’étais soudain investi d’une formidable responsabilité. Pour la première fois, je parlais d’elle comme de ma femme et multipliais les recommandations au vieil homme qui l’aidait à se relever. Je me disais, Alexis, que plus tard, quand nous serions très vieux et très bourgeois, je m’adresserais peut-être comme cela au portier du Plaza qui la prendrait par la main dans notre Bentley.

A l’intérieur, nous avons longé un vaste corridor désert et pénétré dans une chambre sans âme. Il n’y avait là qu’un lit très petit et deux sièges en rotin. L’homme aida Camille à s’allonger et disparut.

Son visage était inhabité. C’est une figure de cire qui me fixait. Gêné, je détournai le regard et préférai quitter la pièce. J’enrageais de ne rien pouvoir donner à celle qui m’avait révélé. Je ne sais pas pourquoi, un petit morceau de Brahms me sciait le cœur, consciencieusement, à coups nerveux d’archet.

Vint alors à moi un personnage massif. L’homme était dans la force de l’âge et, bien qu’en robe comme eux, il ne ressemblait pas aux professionnels de la dévotion en slalom qui officiaient en bas. Ses yeux, noyés de bleu, attiraient d’instinct la sympathie.

« On m’a dit que vous n’alliez pas bien fort. Qu’est-ce qui vous est donc arrivé ?

– Nous avons marché quatre jours avant d’arriver ici. Moi, ça va bien. C’est mon amie qui est très malade. »

Nous pénétrâmes dans la chambre. En apercevant Camille, le moine eut un temps d’arrêt et une expression plus dure.

« Vous, vous arrivez du sana. »

Je ne pouvais que balancer la tête. Les ennuis allaient commencer. Mais l’homme n’insista pas. Il échangea simplement avec Camille un regard qui m’excluait et me plongea dans l’interrogation.

« L’année dernière, déjà, une fille et deux garçons comme vous sont venus du sana. »

Il avait commencé à examiner Camille et je ne voyais de lui que ses larges épaules et une nuque qui bougeait un peu lorsqu’il parlait. Je voulais savoir ce qu’ils se disaient dans les yeux.

« Je ne sais pas duquel elle était amoureuse, mais ils étaient tous deux confits de passion.



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